Si l'occasion nous était donnée de déclarer notre flamme à une certaine Valentine, elle pourrait bien s'empresser de nous faire une superbe cheminée afin de la contenir. Vous aurez compris que nous ne parlerons pas de Valentine de Laborde -égérie de Prosper Mérimée- mais de Valentine Schlegel -créatrice de cheminée- mais pas que.

Originaire de Sète, Valentine étudie à l'école des Beaux-arts de Montpellier. Elle travaille pour les premiers festivals à Avignon en tant qu'assistante costumière, accessoiriste puis régisseuse en chef.

Artiste et homosexuelle, Paris lui promet liberté de moeurs et d'expression, Valentine s'y installe en 1945.Elle y travaille dans 3 ateliers, rue Vavin de 1945 à 1951, rue Daguerre entre 51 et 57 et rue Bezout à partir de 57.

L'atelier rue Vavin est partagé avec Frédérique Bourget, une amie de l'école des Beaux-arts de Montpellier. Le duo s'initie aux techniques du modelage inspirées des céramiques antiques du bassin méditerranéen. Leur production est utilitaire.Dans son atelier rue Bezout, Valentine poursuit ses collaborations en travaillant avec sa soeur ainée Andrée Vilar. L'une tourne, l'autre décore.



Après plusieurs années passées à parfaire sa maîtrise et à developper ses formes, Valentine décide de faire cavalier seul et s'affirme en tant qu'"artisane solitaire". Dans son nouvel atelier parisien elle commence un travail sculptural privilégiant le vase monté au colombin et en créée ainsi une quarantaine de 54 à 59.


Les caractères ouvriers et artisans de l'art de Schlegel sont essentiels. Avec un grand-père ébéniste et un père assemblier dans un atelier de restauration de mobilier, Valentine est initiée très tôt a certaines techniques artisanales.En 1956 elle commence une série de couverts en bois qui s'inscrivent dans la tradition des ustensiles provençaux.

A partir de 1960 elle prolonge sa passion pour l'art du feu par la construction de cheminées en plâtre qui se poursuit jusque dans les années 2000.
A la fin des années 50, Valentine vend un de ses vases à un couple d'amis. Lors de l'installation dans leur intérieur, Valentine ne trouve pas place juste pour sa création, sauf peut-être le rebord de cheminée, mais la cheminée ne lui plait pas. Qu'à cela ne tienne, Valentine entreprend la confection d'un habillage en plâtre pour recouvrir la cheminée et la transforme entièrement, ne gardant que le foyer.

Si William Cecil Burleigh se plaisait à dire qu'un soldat en temps de paix est comme une cheminée en été -entendons par là inutile- c'est qu'il est mort sans la joie de connaitre les cheminées Schlegel.Exécutées à la truelle et en plâtre armé, les cheminées sont équipées d'étagères et de vides poches, forment des banquettes et suppriment ainsi les meubles autour du foyer, donc deviennent utiles toute l'année.
Ses créations architecturales sont une nouvelle manière de mettre en pratique ses recherches sur la forme des objets utilitaires.



Inspirée par son paysage natal méditerranéen, la réalisation d'une cheminée dure entre 3 semaines et 2 mois. Valentine fixe dans le mur une armature métallique en fer à béton et grillage qui est ensuite recouverte de plâtre.
Pendant son temps libre, elle expérimente divers matériaux comme le bois et le cuir qu'elle travaille avec ses amis. Elle étend le travail du cuir à un autre élément architectural: la porte.



En parallèle de sa production plastique, elle fonde le pôle modelage des Ateliers des moins de quinze ans au musée des Arts Décoratifs de Paris où elle enseigne de 1958 à 1987 et où elle expose à plusieurs reprises.

Appliquant à elle même ce qu'elle applique aux autres, Valentine pense, modèle, structure ses propres intérieurs.








Exposition Cette femme pourrait dormir dans l'eau, Valentine Schlegel par Hélène Bertin, jusqu'au 9 décembre 2017.