Si le Strict Maximum vous revient en ce 20 Novembre ce n'est pas pour enfiler des perles en votre compagnie mais plutôt pour parler tissage. Nous allons aborder ensemble la vie et le travail d'un artiste dont nous avons eu vent il y a peu et qui mérite amplement sa place ici.
Notre homme du jour est anglais, grand, brun et s'appelle Peter Collingwood mais ce qui est intéressant c'est qu'il est l'un des artistes textile les plus importants de ces 50 dernières années.
Né en 1922 à Marvlebone, autant dire né on ne sait où, le jeune Peter Collingwood est d'abord destiné à être médecin histoire de perpétuer la tradition familiale. Bien que sentant rapidement que c'est loin d'être sa tasse de thé, Peter termine ses études. On ne sait pas vraiment quand Peter Collingwood se met à tisser.
Tout semble débuter en Jordanie lors de son service national dans le Royal Army Medical Corps grâce à un métier à tisser improvisé avec deux chaises longues. C'est là semble-t-il que Collingwood tisse ses premières pièces; des foulards qu'il offre aux femmes officiers. A cette époque il reçoit en cadeau une tenture bédouine qui reste un bien précieux de longues années et le pousse à s'intéresser aux techniques de tissage du monde entier.
A son retour en Grande-Bretagne, c'est décidé, terminado la médecine! Peter prend les choses en main et contact le maitre tisserand Ethel Mairet auprès duquel il passe six mois à apprendre les techniques de tissage élémentaires afin de se lancer dans de plus grands ouvrages.
Peter Collingwood.Il travaille ensuite avec deux autres tisserands de renoms, Barbara Sawver et Alastair Morton. Tous deux lui offrent la liberté de mettre en oeuvre ses propres idées et dieu sait qu'il en a beaucoup.
Peter installe son tout premier atelier en 1952 à Archway au nord de Londres. Il y construit son propre métier avec un peu plus que deux chaises longues cette fois-ci et y tisse de beaux tapis qu'il vend ensuite à de grands magasins.
2 tapis vers 1960.Ca bouge réellement pour Peter Collingwood à partir de 1957, puisqu'il rencontre la providence en la personne d'Henry Morris qui vient de fonder une résidence pour jeunes artistes; la Digswell Arts Trust. Enthousiasmé par les débuts prometteurs de Peter, Henry Morris lui attribue une bourse, un appartement et un atelier. C'est là-bas que Peter rencontre le célèbre céramiste Hans Coper. Les deux artistes se lient d'amitié et participent une dizaine d'années plus tard à une exposition commune au Victoria & Albert Museum.
Affiche de l'exposition Peter Collingwood & Hans Coper
Vous vous doutez bien que ce n'est pas avec ses beaux mais simples tapis que notre Peter Collingwood va se faire un nom dans l'Art textile. La renommée arrive lorsqu'il met au point une technique qu'il nomme le Shaft switching mais ne comptez pas sur nous pour vous l'expliquer. Nous savons simplement que cette méthode permet à Collingwood de tisser rapidement des dessins qui normalement demandent une mise en oeuvre beaucoup, beaucoup plus longue. Autre innovation à cette époque, la technique Anglefell.
Tissage Anglefell.Le premier tissage Anglefell est le résultat d’une erreur de mise en oeuvre: Collingwood oubli de rabattre un côté de la trame d’une pièce qu’il tisse et plutôt que de passer une plombe à corriger le tissage, il décide de continuer avec ces non-lignes de trame parallèles. Ainsi né une nouvelle série de tissages épurés dont les trames et les chaines sont manipulées pour créer des formes géométriques. Collingwood sort petit à petit du cadre grâce à des ajouts de tiges métalliques qui lui permettent de structurer différemment ses tissages.
Collingwood au turbin.Tissage Anglefell.Angelfell et tiges.Détail.Peter Collingwood passe de ses Anglefells à son innovation suivante, celle qui lui vaut sa place au panthéon des tisserands: les Macrogauzes. Collingwood tisse en déplaçant les segments d'un certain nombre de fils de chaîne et les traverse en tissant de sorte qu'au lieu de suivre des lignes verticales parallèles les fils de chaine se croisent maintenant à des angles différents créant de nouvelles formes graphiques. Pas simple comme affaire.
En combinant ses différentes techniques Collingwood parvient à créer des structures en 3D à l'image de celle réalisée en fil d'acier inoxydable en 1997 pour le Performing Arts Centre au Japon mesurant plus de 2 mètres sur 4,5 mètres et pesant plus de 100kg.Macrogauze 3D au Performing Arts Centre, Japon.
Peu avant les années 70, pour ne pas dire 1969, Peter Collingwood est mis à l'honneur lors d'une exposition à Colchester qui finalement fait le tour du monde participant ainsi à la renommée mondiale du tisserand.
Macrogauze 3D.Macrogauze 3D.L'artiste est auteur de plusieurs livres très influents sur le sujet dont le premier Techniques of Rug Weavind en 1968 reste le plus connu. Son préféré à lui est The Maker's Hand qu'il écrit en 1988 et dans lequel il analyse 100 structures tissées à travers le monde.Macrogauze 3D, détail.Le Succès des Macrogauzes lui permet de vivre entièrement et uniquement de ses talents de tisserand. Ses innovations et ses méthodes de production efficaces furent essentielles à son succès économique. Il obtient l'Ordre de l'Empire Britannique en 1974.Macrogauze 1975.Macrogauzes 3D, 1979.
Loin de faire comme le fil qui suit l'aiguille Collingwood parvint à créer un langage unique à travers ses tissages éthérés aux formes géométriques et ouvertes qu'il transporte vers le monde de la sculpture. Peter Collingwood ne cessera jamais de tisser jusqu'en 2008 où il déposera définitivement ses navettes.